[INTERVIEW] Morgane Mennechez : « La satisfaction du client interne influe sur la performance des organisations achats »

Satisfaction du client interne
14 décembre 2021
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Morgane Mennechez, Europe Category Buyer chez Schneider Electric, a remporté le premier prix de la catégorie « Jeunes Acheteurs » dans le cadre des Trophées Décision Achats/CNA. Cette récompense vient saluer son mémoire de fin d’études intitulé : « La satisfaction du client interne : Une préoccupation oubliée des organisations achats ». Pour la jeune acheteuse, connaître son client interne pour mieux collaborer avec lui et garantir sa satisfaction est un facteur clé de succès des directions achats. Elle nous en parle en interview.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la satisfaction du client interne ?

La satisfaction du client interne n’est pas toujours la priorité des acheteurs car ils ont un quotidien bien rempli (gestion des relations fournisseurs, évolution des réglementations, sécurisation des approvisionnements…). Pourtant, cette notion influe directement sur la performance des fournisseurs, la gestion des risques et la création de valeur au sein de l’entreprise.

De plus, cela envoie un message fort aux fournisseurs. Si l’on collabore efficacement en interne, cela montre que notre entreprise est transparente et fiable. Une image d’autant plus capitale en période de crise économique, sociale ou environnementale.

Comment l’acheteur doit-il aborder cette notion ?

Avant toute chose, il convient de rappeler qu’on ne peut pas généraliser le client interne. Ce dernier se trouve derrière chaque fonction de l’entreprise qui aura besoin d’effectuer un achat, avec un profil, des enjeux et des objectifs spécifiques. C’est ce qui fait du métier d’acheteur, un métier relationnel. C’est notre rôle d’accompagner le changement, tout en garantissant la satisfaction du client interne. Pour cela, il faut tout d’abord apprendre à connaître ce dernier ; puis travailler main dans la main avec lui, pour réussir à faire coïncider nos objectifs respectifs.

C’est d’autant plus important car les acheteurs ont pour habitude de changer de catégories d’achats régulièrement. Bien que nous soyons en veille constante sur les actualités et les innovations du marché, le client interne détient bien souvent l’expertise technique. Il peut être amené selon les structures organisationnelles à utiliser le produit sur les lignes de production et constater par lui-même les rebuts et la non-qualité dans son quotidien. Encore une fois il n’existe pas un seul et unique profil de client interne. C’est pourquoi la proximité avec le client interne et des échanges réguliers sont extrêmement précieux.

Comment est-ce que cela se traduit dans votre quotidien ?

J’ai commencé à intégrer cette notion dans mon quotidien d’alternante au cœur d’un site de production chez Safran, lorsque je rédigeais mon mémoire. J’allais régulièrement à la rencontre du client interne, cela faisait partie intégrante de ma routine. À mon sens, avoir de l’interaction physique est essentiel dans l’entretien de la relation entre l’acheteur et le client interne. L’acheteur doit se rendre disponible, être à l’écoute et pouvoir jouer son rôle d’interface technique entre le fournisseur et les clients internes.

Lors de nos échanges, je les sensibilisais aux dernières actualités du service achats et je leur partageais la roadmap achat annuelle afin de faciliter la compréhension de nos objectifs mutuels. J’ai également saisi l’importance d’inclure le client interne dans nos processus achats en amont, que ce soit pour coconstruire un cahier des charges ou pour réaliser les business rêviez avec les fournisseurs par exemple. Aujourd’hui, je continue d’appliquer ces principes, tout en m’inspirant des bonnes pratiques que j’observe au cours de mes diverses expériences professionnelles.

Peut-on mesurer la satisfaction du client interne ?

De nos jours, les collaborateurs sont continuellement sollicités à travers des questionnaires de satisfaction. À mon sens, ce n’est pas la solution idéale car la satisfaction du client interne est une donnée difficilement quantifiable, qui va plutôt se déceler sur le plan relationnel.

C’est pourquoi j’ai proposé une matrice de l’engagement du client interne dans mon mémoire, en m’inspirant de la matrice prospective des profils types d’acheteurs imaginée par Nathalie Merminod et Arnaud Bichon[1].

En croisant deux notions caractéristiques de la relation acheteur-client interne (la synergie et l’antagonisme), nous obtenons une vision claire des différents profils types du client interne.

L’acheteur peut ainsi mieux comprendre son interlocuteur et adapter son approche :

  • Avec un client interne engagé et conciliant qui comprend les objectifs financiers du service achats, l’acheteur va pouvoir déléguer certaines tâches telles que la sélection des produits via un catalogue hébergé par exemple. Le client interne en sera d’autant plus satisfait car il va gagner en temps et en autonomie. Cette responsabilisation va ainsi renforcer leur relation, tout en améliorant l’efficience des services achats.
  • Dans un autre cas de figure où le client interne fait preuve d’une synergie minimum et reste intransigeant, l’acheteur devra plutôt veiller à ce que ce dernier n’influence pas ses pairs.

Quelles actions mettre en place pour améliorer la satisfaction du client interne ?

Dans le cadre de la rédaction de mon mémoire, j’ai identifié plusieurs pratiques pour favoriser la satisfaction du client interne. Certaines peuvent être appliquées sans délai :

  • Réaliser une matrice de l’engagement du client interne pour améliorer notre compréhension de ce dernier.
  • Inclure le client interne dans les business review avec les fournisseurs pour qu’il devienne acteur du changement dans la relation fournisseurs, en soutien des achats.
  • Mettre en place des entretiens annuels 360° consistant à solliciter différents collaborateurs pour qu’ils évaluent notre façon de travailler en tant qu’acheteur, véritable business partner pour tous les départements de l’entreprise.

J’ai également évoqué d’autres idées, davantage prospectives :

  • Nous avons à notre disposition divers outils de gestion des parties prenantes (CRM - Customer Relationship Management, SRM - Supplier Relationship Management…) mais il n’existe pas encore d’ICRM - Internal Customer Relationship Management. Je pense que, d’ici quelques années, les services achats pourront intégrer une API (interface de programmation applicative) au SRM afin d’avoir un espace dédié au client interne. À mon sens, l’enjeu est de ne pas créer un énième outil, mais bien d’intégrer cette option à une solution déjà existante et adoptée par tous.
  • Nous pourrions également mettre en place des « leaders client interne » qui feraient l’interface entre la direction achat et le client interne. Ces derniers seraient responsables de la relation avec le client interne, chargés de collecter les retours de leurs pairs pour obtenir une vision globale.

Vous l’avez compris, la satisfaction du client interne est gage de compétitivité pour l’entreprise et d’une meilleure perception de la fonction achats auprès de tout l’écosystème.


[1] N. Merminod, A. Bichon. Prospective du métier des Acheteurs : Quels profils pour les acheteurs de demain ?. 2008, 20 p. ffhalshs-00456058f