La transformation digitale des organisations donne à la data interne une valeur dont la fonction achat a appris à tirer parti. Or, la data externe semble souvent moins bien exploitée par les services achats, alors même que sa valeur est complémentaire de celle de la data interne.
Au moins trois raisons doivent inciter les acheteurs à s’intéresser davantage à la data externe :
- Conjurer les menaces systémiques sur leur supply chain
- Détecter d’éventuelles faiblesses dans la structure de leur écosystème
- Capter avant leurs concurrents les innovations sources de valeur
La data externe, une ressource stratégique
La pandémie en cours l’a abondamment illustré : les facteurs géopolitiques et sanitaires sont désormais à prendre fortement en considération lorsque l’on est responsable de la robustesse de la supply chain. C’est pourquoi la data externe est une ressource stratégique pour devancer d’éventuelles ruptures et planifier des scénarios alternatifs.
Il ne s’agit pas de transformer le service achats en service de renseignement mais bien de sensibiliser les acheteurs à la valeur de la data externe pour disposer d’une longueur d’avance quand une crise s’annonce.
En effet, la fonction achat à tout intérêt à suivre quelques indicateurs clés, comme par exemple :
- Cartographie des zones où des conflits menacent l’accès aux matières premières
- Veille de l’état sanitaire des pays abritant des partenaires commerciaux de rang 1 et de rang 2
- Suivi des menaces climatiques sur les infrastructures de transport
La supply chain à risques fait désormais clairement partie du tableau de bord de la fonction achat. Une surveillance organisée, qui peut d’ailleurs s’appuyer sur un prestataire extérieur dédié à l’interprétation de la data externe, n’est certainement pas un luxe pour les acheteurs.
La data externe, un principe de précaution
La solidité de leur écosystème fournisseurs a été souvent déterminante dans la capacité des entreprises à faire face aux violents soubresauts de la crise et à organiser le rebond de leur activité. Cette interdépendance doit inciter la fonction achat à se donner toutes les chances de bien connaître ses principaux partenaires.
La data interne, qui renseigne sur le respect des conditions du contrat, est évidemment une source d’information que les acheteurs doivent scruter en permanence pour détecter au plus tôt toute dérive inquiétante.
Mais la data externe, qui renseigne par exemple sur la capacité du partenaire à :
- Se financer
- Retenir les compétences clés
- Maintenir sa dynamique d’amélioration continue
- Rester fidèle à ses engagements RSE
est également une information à intégrer dans son tableau de bord, sous peine de se trouver pris de court quand des problèmes surviennent dans l’exécution du contrat. En effet, si leur cause racine est une dégradation des conditions de production, la data externe est un meilleur indicateur pour prendre les devants !
La data externe, un gisement d’innovation
La création de valeur est l’enjeu stratégique n°1 de la fonction achat. C’est pourquoi la quête de la data externe à valeur ajoutée doit figurer en bonne place dans son agenda.
La data externe à valeur ajoutée désigne toute information positive suggérant la capacité d’un partenaire éventuel à soutenir le développement de l’entreprise. Par exemple, une levée de fonds réussie pour une jeune pousse ou un dépôt de brevet pour une entité plus mature sont d’excellent augure si leur vocation s’inscrit dans les besoins de l’entreprise.
Ici encore, ce qui compte, c’est l’anticipation. En l’occurrence, l’accès dans les meilleurs délais aux partenaires les plus prometteurs. Quand tout le monde est au courant de la valeur disruptive d’un nouveau venu sur le marché, les conditions de négociation sont forcément moins favorables et le bénéfice différenciateur pour la propre innovation de l’entreprise moins flagrant.
En conclusion, la fonction achat doit suivre la data externe pour des raisons défensives et offensives. Se prémunir des aléas de la supply chain comme accéder en avance de phase à des ressources à fort contenu d’innovation.
Mais ce qui fait la valeur de la data externe, c’est la longueur d’avance qu’elle donne lorsque l’on sait la recueillir au plus tôt. C’est donc une question d’organisation pour la fonction achat, qui doit mettre en place une veille efficace des facteurs de risques et d’opportunité. Que ferait Porter [1] sans la data externe ?
Pour regarder autrement la data externe, lisez l’article que Julie Dang Tran, Directrice Générale de Manutan France, vient de consacrer à la nouvelle responsabilité de la fonction achat.
[1] Michael Porter est l’auteur d’une méthode reconnue d’analyse stratégique