Aujourd’hui, nombre d’entreprises sont convaincues de la nécessité de transformer nos modes de production et de consommation pour privilégier les produits durables. Pour faire des choix éclairés, elles ont besoin d’avoir accès à des informations intelligibles, fiables et pertinentes. C’est tout l’objet de la mise en place d’indices de durabilité et de réparabilité sur le marché. Cette initiative vise à partager des informations clés sur le caractère plus ou moins durable ou réparable des produits. Et c’est la France, fer de lance de l’économie circulaire, qui pose le premier jalon avec son indice de durabilité pour les téléviseurs et les lave-linges ménagers.
La raison d’être de l’indice de durabilité
La société de surconsommation et du tout jetable favorise la mise au rebut prématurée des biens de consommation. Cette pratique a, bien entendu, des effets délétères sur l’environnement. Et pour cause puisque la phase d’extraction des matières premières et de fabrication concentre généralement la majorité des impacts et pollutions. Cela participe notamment à la production d’émissions d’équivalent CO2, la consommation toujours plus importante de ressources et la génération exponentielle de déchets.
En parallèle, cela a un coût pour les consommateurs, qu’il s’agisse de particuliers comme d’entreprises. En remplaçant les produits plutôt qu’en les réparant, ce sont des milliards d’euros de perdus, rien qu’en Europe.
Pour lutter contre ce modèle insoutenable qui menace l’environnement et le pouvoir d’achat, il est important de mieux informer les consommateurs. Cela peut se faire à travers l’affichage d’un indice de durabilité pour donner de la visibilité sur la durée d’usage ou encore d’un indice de réparabilité pour évaluer le caractère plus ou moins réparable des produits. Pour faciliter leur déploiement, ces indices doivent faire l’objet d’une signalétique visible, compréhensible et accessible. Cela prend souvent la forme d’un système de notation, associé à un code couleur.
Ces initiatives encouragent, d’un côté, les consommateurs à faire des choix éclairés dans le cadre de leurs achats et, d’un autre côté, les fabricants à intégrer les principes de l’éco-conception dans le développement de leurs produits. C’est donc un levier efficace pour préserver notre planète et mieux protéger les clients finaux contre l’obsolescence, qu’elle soit programmée ou non.
Zoom sur l’indice de durabilité français
En France, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour une économie circulaire (loi AGEC) promulguée le 10 février 2020 (article L. 541-9-2 du code de l’environnement) avait déjà introduit l’indice de réparabilité pour les équipements électriques et électroniques (EEE) neufs. Cela couvrait une large catégorie de produits : les smartphones, les ordinateurs portables, les tondeuses à gazon, les lave-vaisselles, les aspirateurs… Cela permettait alors aux consommateurs de disposer d’une information claire sur le prix et la disponibilité des pièces détachées, ainsi que sur la documentation technique.
C’est le décret n° 2024-316 du 5 avril 2024 qui a ouvert la voie à l’indice de durabilité. Celui-ci dispose d’un spectre encore plus large par rapport à l’indice de réparabilité puisqu’il permet également d’évaluer la capacité d’un produit à durer dans le temps. Pour calculer cet indice de durabilité, trois critères sont pris en compte : la réparabilité, la fiabilité et l’évolutivité.
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La réparabilité : la mise à disposition de la documentation technique, l’accompagnement pour le diagnostic et la réparation, la facilité de démontage des pièces, ainsi que la disponibilité des pièces détachées.
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La fiabilité : la résistance aux contraintes et/ou à l’usure, la facilité de maintenance et d’entretien, la délivrance d’une garantie commerciale de durabilité et la mise en place d’un processus qualité.
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L’évolutivité : l’amélioration logicielle et matérielle.
Pour commencer, cet indice de durabilité vient remplacer l’indice de réparabilité pour deux catégories de produits, à savoir les téléviseurs et les lave-linges ménagers hublot et top. Tous les producteurs, importateurs, distributeurs et vendeurs de produits (dont ceux qui utilisent un site internet, une plateforme ou toute autre solution de distribution en ligne) seront concernés par cette obligation, dès le 1er janvier 2025.
Cela concernera progressivement de nouvelles catégories d’équipements électriques et électroniques (EEE) neufs dans les prochaines années. Chaque nouveau produit fera alors l’objet d’un arrêté précis qui stipulera les critères et les sous-critères pris en compte dans la notation.
La démarche se déploie en Europe
L’Union européenne est fermement engagée dans la transition vers l’économie circulaire. Dès le mois de mars 2020, la Commission avait présenté un plan d’action comportant plus de 30 points d’action visant notamment à concevoir des produits durables, donner aux consommateurs les moyens de choisir et réduire les déchets.
Alors que l’étiquette énergétique européenne existe depuis des décennies, de nouveaux règlements concernant les smartphones et les tablettes ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 31 août 2023. Pour ces catégories de produits, une nouvelle étiquette énergie intégrant un indice de réparabilité va être mise en place dès le 20 juin 2025.
En parallèle, le Conseil a adopté le règlement sur l’écoconception fixant de nouvelles exigences applicables aux produits durables le 27 mai 2024. Parmi les règles phares se trouve la mise en place d’un passeport numérique de produits. Celui-ci viendra mettre en lumière certaines informations clés sur la qualité et la performance du produit, telles que sa durée de vie estimée, ainsi que sur le potentiel de réparation du produit, avec les instructions de démontage et les pièces détachées disponibles. Virginijus SinkeviÄius, commissaire européen à l’Environnement, salue cette initiative : « En tant que consommateurs, nous pourrons bénéficier de produits durables et réparables ayant une empreinte plus légère pour la planète. En convenant aujourd’hui d’une voie à suivre, l’UE confirme son rôle de pionnier mondial en matière de durabilité des produits. »
Enfin, d’autres pays réfléchissent, voire lancent des initiatives similaires. C’est le cas, par exemple, de la Belgique qui a adopté une nouvelle loi obligeant les fabricants et les détaillants à fournir un indice de réparabilité pour certains appareils électroménagers, à compter de 2026.
Vous l’avez compris, l’indice de durabilité (ou de réparabilité) s’apprête à jouer un rôle incontournable sur le marché. Les entreprises, comme les particuliers, seront désormais informées sur la durée d’usage et le niveau de réparabilité des biens et pourront faire leurs achats en toute connaissance de cause. C’est donc un formidable levier pour lutter contre l’obsolescence et éviter le gaspillage des ressources. Si cette initiative n’en est qu’à ses débuts, il est clair qu’elle amorce un mouvement global à l’échelle européenne en faveur d’une consommation durable.