Pour faire face à la pression sur la planète et ses ressources, un certain nombre d’entreprises enclenchent progressivement leur transition circulaire. Une initiative synonyme de durabilité bien sûr, mais aussi de résilience et de compétitivité. C’est une démarche complexe, où la chaîne d’approvisionnement joue un rôle essentiel. Et pour cause, les professionnels de la supply chain sont responsables de l’approvisionnement, du transport et de la transformation de 100 milliards de tonnes de matériaux qui entrent chaque année dans l’économie mondiale.
Supply chain circulaire, un enjeu stratégique
Jusqu’alors, nos chaînes d’approvisionnement mondiales étaient majoritairement linéaires. On extrait des matières premières pour produire des marchandises, que l’on transporte et distribue, et qui sont jetées lorsqu’elles arrivent en fin de vie.
Ces dernières années, ce modèle économique a été mis à mal avec de nombreuses pénuries de produits et/ou de matières premières. Ce phénomène a commencé avec la pandémie de Covid-19, puis s’est accru avec les tensions géopolitiques qui révèlent d’autant plus les limites d’accès aux ressources.
Deborah Dull, fondatrice du Circular Supply Chain Network[1], ajoute : « Personne ne connaît mieux que les professionnels de la supply chain les flux et reflux de la disponibilité des matériaux et les effets qui en résultent sur les coûts et les impacts en aval sur la pénurie ou l’excédent. Même les équipes les mieux préparées, dotées des partenariats les plus solides et de systèmes avancés, ne peuvent pas tout faire grand-chose face à l’ensemble des perturbations dues à des événements imprévus. »
C’est dans ce contexte que l’économie circulaire apparaît comme une solution durable pour renforcer la résilience de nos supply chains. Cela implique de reconfigurer les chaînes d’approvisionnement selon une approche plus locale, un accès maîtrisé aux matières et énergies, ainsi qu’une efficience certaine dans l’usage des ressources. C’est ainsi que les chaînes d’approvisionnement circulaires seront les mieux placées pour résister et rebondir face aux prochains défis.
Les avantages d’une supply chain circulaire
Pour les entreprises, adopter la supply chain circulaire promet de nombreux bénéfices, au service de la compétitivité et de la pérennité de leurs activités.
Réduire les coûts
Tout d’abord, l’entreprise fait des économies dites « intelligentes ». Elle optimise l’utilisation de ses ressources, ce qui réduit les coûts de production. Elle achète ainsi moins de nouveaux matériaux, qui peuvent être soumis à d’importantes fluctuations de prix. Sans oublier qu’elle réduit également ses déchets et les coûts associés à leur traitement.
Améliorer la gestion des risques
Grâce à la supply chain circulaire, l’entreprise limite son exposition aux risques de pénurie de ressources ou aux fluctuations de prix. Cela garantit également l’approvisionnement en ressources auprès de sources fiables. L’entreprise gagne ainsi en résilience et renforce la fiabilité de ses opérations.
Se mettre en conformité
Les réglementations en faveur de l’économie circulaire et du développement durable vont croissantes, et ce dans le monde entier. Toutes les entreprises, sans exception, vont progressivement devoir s’y conformer. Celles qui seront les plus avancées en la matière pourront même anticiper les législations à venir, tout en renforçant leur réputation.
Booster les ventes
L’économie circulaire favorise l’émergence de nouveaux business models : la location, la vente de pièces détachées, les services d’entretien… L’entreprise qui enclenche sa transition circulaire va atteindre de nouveaux marchés, attirer une nouvelle clientèle sensible aux enjeux environnementaux, et la fidéliser.
Réduire l’impact environnemental
La supply chain circulaire réduit l’impact environnemental de l’entreprise, qu’il s’agisse de l’extraction de matières premières, des émissions de gaz à effet de serre, de la production de déchets, de la pollution… Cette démarche s’inscrit dans une logique de durabilité globale, en faveur de la transition énergétique et écologique.
Comment amorcer la transition vers une supply chain circulaire ?
Passer d’un modèle linéaire à circulaire est une transformation de grande envergure. Cela engage de profonds changements, en matière de business model, de design produits, d’engagement clients… Pour les équipes de la supply chain, la fondation Ellen MacArthur distingue cinq principaux domaines d’actions en la matière.
Préparer ses équipes
Tout d’abord, il faut développer des structures organisationnelles et équiper les équipes supply chain comme il se doit. Cela implique de repenser et clarifier les rôles et responsabilités de chacun, et ce dans chaque équipe (achats, approvisionnements, logistique…). On peut d’ailleurs voir de nouveaux rôles émerger au sein de l’entreprise.
Il s’agit ensuite de développer les connaissances et les capacités en matière d’économie circulaire. Les équipes peuvent suivre des programmes de formation, participer à des ateliers internes, assister à des conférences ou encore mener des projets pilotes. Cela permet de mieux comprendre les enjeux, de favoriser la collaboration transversale et de susciter l’adhésion de chacun.
(Re)concevoir le réseau
Ensuite, tout l’enjeu est d’optimiser les réseaux actuels pour y intégrer la logistique inverse à grande échelle, et ce de façon rentable. C’est essentiel pour mettre en œuvre différentes initiatives circulaires : l’économie de la fonctionnalité, la reprise des anciens produits, la location, etc.
Pour y parvenir, il faut à la fois optimiser la répartition géographique des éléments du réseau : usines, centres de distribution, de collecte, ou encore de réparation… Des opérations plus localisées sont une solution efficace, rentable et à faible impact carbone pour s’approvisionner en intrants circulaires. Cela induit également de nouveaux types de relations avec son écosystème. L’exemple phare est la symbiose industrielle à Kalundborg. Sans oublier d’arbitrer quant aux systèmes de revalorisation : centralisation/décentralisation, internalisation/externalisation…
Embarquer ses fournisseurs
Les professionnels de la chaîne d’approvisionnement ne peuvent réussir leur transition circulaire sans leurs fournisseurs. Ce sont eux qui garantissent la qualité, la disponibilité et la traçabilité des intrants circulaires. Il est donc primordial de les inciter à adopter des pratiques d’économie circulaire.
Cela peut prendre la forme de nouveaux critères liés à l’économie circulaire qui sont intégrés dans les négociations, les contrats et les évaluations fournisseurs. Il peut être aussi pertinent de récompenser les bonnes performances et l’innovation. Toutes ces initiatives doivent être sur fond d’accompagnement et de collaboration. Pour faciliter cette transition circulaire, il faut sensibiliser, éduquer et renforcer les compétences de ses partenaires avec une approche gagnant-gagnant.
S’appuyer sur les technologies
Pour soutenir et faciliter les flux circulaires d’informations, de produits et de matériaux, les entreprises doivent s’appuyer sur les bonnes solutions. Il leur faut disposer d’informations précises sur les volumes, les matériaux primaires et secondaires, le niveau de qualité…
En cela, les technologies émergentes (blockchain, intelligence artificielle, internet des objets…) peuvent améliorer la visibilité sur la supply chain circulaire. Les systèmes de suivi et d’étiquetage, comme le Digital Product Passport par exemple, fournissent également des informations complètes et vérifiables sur l’origine, l’état et l’historique des produits et composants. Autant de façons d’améliorer la transparence, faciliter l’accès aux intrants circulaires et renforcer la confiance dans la chaîne d’approvisionnement circulaire.
Piloter la performance
Enfin, les professionnels doivent évaluer la réussite de leur supply chain circulaire, à l’aide de nouveaux indicateurs clés de performance. Les traditionnels KPIs (coûts, qualité, délais et émissions de gaz à effet de serre) intègrent désormais la circularité. Les entreprises peuvent, par exemple, mesurer la part des intrants circulaires utilisés, la part de déchets réutilisés, valorisés ou recyclés, la durée de vie technique et/ou fonctionnelle des produits, le poids des intrants circulaires utilisés par rapport au chiffre d’affaires…
À l’issue de cela, il est possible de se fixer des objectifs en matière d’économie circulaire et de relier ces éléments aux évaluations annuelles et systèmes d’incitations des équipes pour véritablement embarquer ces dernières dans cette démarche.
Le mot de la fin revient à Adeline Bret, manager et responsable conseil durabilité et RSE chez Citwell[2] : « La supply chain a un rôle essentiel dans cette transition vers le circulaire. Acteurs et décideurs de la chaine de valeur, vous devrez adapter ou repenser vos process, organisations et outils à travers une collaboration encore plus accrue avec vos partenaires et votre filière. Nos métiers doivent donc évoluer et en seront encore plus passionnants. »
[1] Deborah, DULL (Founder, Circular Supply Chain Network), Building circular supply chain, 15 novembre 2023, Ellen Macarthur Foundation, [https://www.ellenmacarthurfoundation.org/circular-supply-chains]
[2] Adeline, BRET (manager et responsable conseil durabilité et RSE, Citwell), Guide méthodologique de mise en place et pilotage – supply chain circulaire : que retenir des premières expérimentations ? La synthèse 2025, France Supply Chain by Aslog, [https://www.francesupplychain.org/wp-content/uploads/2025/01/fsc-panorama-supply-chain-circulaire-synthese-a4-20250128.pdf]