Face au réchauffement climatique, la décarbonation de notre société et de notre économie devient une priorité. À travers son Pacte vert pour l’Europe, l’Union Européenne s’est engagée à adopter la neutralité climatique à horizon 2050. Nombreuses sont les entreprises qui souhaitent réduire progressivement leurs émissions de dioxyde de carbone pour atteindre la neutralité carbone, dans les mêmes délais. Pour y parvenir, elles vont devoir s’appuyer sur leur direction achats, qui a un rôle majeur à jouer sur les émissions directes et indirectes de l’entreprise, mais surtout sur celles produites par leurs fournisseurs.
La neutralité carbone, une priorité pour tous
Avant toute chose, précisons ce qu’est la neutralité carbone. Son principe consiste à trouver un équilibre entre les émissions de dioxyde de carbone (CO2) issues de l’activité humaine et la séquestration du CO2 par les puits de carbone, à l’échelle mondiale. En stabilisant ainsi le niveau de concentration de CO2 dans l’atmosphère, cela limite l’augmentation de la température globale.
D’après le Parlement européen, les puits de carbone naturels, que sont le sol, les forêts et les océans, absorbent jusqu’à 11 gigatonnes de CO2 par an, tandis que les émissions mondiales s’élevaient à 38 gigatonnes en 2019[1]. Parce que nos capacités d’absorption sont limitées, il devient primordial de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, à tous les niveaux.
L’Accord de Paris marque ainsi un jalon majeur en fixant un objectif contraignant autour du réchauffement climatique qui réunit toutes les nations. Adopté par 196 parties lors de la COP21, cet accord vise à limiter le réchauffement climatique à un niveau nettement inférieur à 2°C (idéalement à 1,5°C) par rapport au niveau préindustriel, en atteignant la neutralité carbone dès le milieu du 21ème siècle.
Pour concrétiser ces engagements, l’Union Européenne a mis en place son Pacte vert pour l’Europe qui vise à atteindre la neutralité climatique à horizon 2050, à travers tout un ensemble de politiques. C’est dans ce contexte que les entreprises prennent également le virage de la décarbonation, en intégrant la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans leur politique d’achats responsables.
Les achats face aux scopes 1, 2 et 3
Les émissions de gaz à effet de serre des organisations sont communément organisées en trois grandes familles :
- Scope 1 : les émissions directes de l’entreprise provenant des équipements, des installations comme le chauffage, la climatisation, le carburant pour les flottes automobiles… ;
- Scope 2 : les émissions indirectes liées à la production des énergies que consomme l’entreprise telles que l’électricité… ;
- Scope 3 : les émissions indirectes liées à la chaîne de valeur, c’est-à-dire toutes les émissions produites par les différentes parties prenantes (fournisseurs, prestataires et clients). Cela couvre par exemple l’achat de produits et de services, le transport amont et aval des marchandises, jusqu’à l’utilisation et la fin de vie des produits et services vendus.
Alors que la compensation carbone ne représente qu’une solution transitoire, les entreprises se mettent en ordre de marche pour réduire l’ensemble de leurs émissions de gaz à effet de serre, que ce soit sur le scope 1, 2 et 3.
Cependant, une attention toute particulière doit être portée sur ce scope 3 qui, non content d’être difficilement maîtrisable, est aussi particulièrement délétère. Sylvain Guyoton, Senior Vice President d’EcoVadis, expliquait dans un webinar : « La plupart des grandes entreprises parvient à calculer ses émissions de carbone et selon l'aperçu que nous avons, dans la plupart des secteurs, le scope 3 représente, en moyenne, 70% des émissions.[2] »
Et qui d’autre que les directions achats pour réduire les émissions indirectes de la chaîne de valeur ? Se retrouvant ainsi au cœur des enjeux climatiques, la fonction achats va pouvoir réduire les émissions de l’écosystème amont, sans quoi les entreprises ne pourront atteindre leur objectif de neutralité carbone.
Deux approches complémentaires
Pour contribuer à cette transition, les directions achats peuvent combiner deux méthodes :
Adopter une approche ciblée
Pour initier cette démarche, les directions achats peuvent se concentrer sur les projets majeurs. Après avoir identifié les filières à fort impact, il leur faudra évaluer la maturité des équipes métiers ainsi que celle des marchés fournisseurs. À partir de cette cartographie, les services achats pourront ajuster leurs spécifications et intégrer des critères adaptés dans leurs futures consultations.
Initier un changement systémique
Les directions achats peuvent également adopter une approche plus globale, à travers :
- La revue des processus en intégrant des objectifs de décarbonation au sein des processus stratégiques, opérationnels et de pilotage.
- L’adaptation des outils de management de la performance achats et fournisseurs pour qu’ils prennent en compte la mesure et le suivi des émissions de CO2. Certaines technologies, telles que la blockchain et l’intelligence artificielle, pourraient en faciliter la mise en œuvre.
- Le développement des compétences auprès des équipes achats, leur permettant d’évaluer les externalités et les axes d’optimisation possibles.
Pour Magali Blaise, PMO Group Director of Global Procurement, Supply chain and Performance chez Orange, la réduction de l’empreinte carbone n’est pas, pour autant, un sujet réservé aux achats : « Les achats ne pourront agir seuls. Ils doivent pouvoir compter sur leur écosystème interne et externe dans une démarche d'enrichissement mutuel.[2] » Ainsi, atteindre l’objectif de neutralité carbone ne pourra se faire qu’au travers d’une démarche collective et d’une logique gagnant-gagnant. C’est dans cette dynamique que les entreprises pourront faire face aux exigences sociales et environnementales, et ainsi rester compétitives.
[1] Parlement européen, Qu'est-ce que la neutralité carbone et comment l'atteindre d'ici 2050 ?, 2021
[2] B for Good, Table ronde : La contribution des achats à la réduction de l’empreinte carbone, 2021