Comprendre le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) pour des achats éclairés

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8 mai 2025

Dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, l’Union européenne (UE) affiche clairement son ambition : devenir le premier continent à atteindre la neutralité climatique à horizon 2050. Cela implique d’éliminer autant d’émissions de gaz à effet de serre qu’elle en produit. Pour y parvenir, elle a adapté ses politiques en matière de climat, d’énergie, d’utilisation des terres, de transport et de fiscalité. C’est dans ce contexte que le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) est entré en application dans sa phase transitoire, depuis le 1er octobre 2023. Cet instrument réglementaire s’apprête à changer la donne au sein des industries et de leurs directions achats.

Qu’est-ce que le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) ?

Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) - que l’on connaît aussi sous la dénomination de taxe carbone européenne, ou taxe carbone aux frontières - est un nouvel instrument réglementaire européen. Celui-ci consiste à soumettre les produits importés au sein de l’Union européenne à une tarification du carbone, correspondant à celle qui est actuellement appliquée aux industriels européens. Plus concrètement, certains biens à forte intensité carbone vont bientôt faire l’objet d’un surcoût pour les importateurs lorsqu’ils franchissent nos frontières européennes.

Vous l’avez compris, ce dispositif vise à lutter contre les fuites de carbone. L’Union européenne met en œuvre une quantité de mesures climatiques contraignantes dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre sur son territoire. Ce mécanisme permet ainsi de garantir que les politiques européennes ne sont pas compromises par la délocalisation des productions dans des pays où les normes écologiques sont moins ambitieuses, ou encore par le remplacement de produits européens par des importations qui présentent une plus forte empreinte carbone.

Cet instrument réglementaire porte, dans un premier temps, sur certaines marchandises qui sont fortement exposées au risque de fuite de carbone. Il s’agit du fer, de l’acier, du ciment, de l’engrais, de l’aluminium, de l’électricité et de l’hydrogène. Ces secteurs représentent près de la moitié des émissions industrielles au sein de l’UE. Cette liste devrait probablement s’élargir progressivement pour intégrer d’autres secteurs industriels, comme le raffinage et la chimie.

MACF : comment cela fonctionne ?

Aujourd’hui, les entreprises européennes se voient attribuer des quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Lorsqu’elles les dépassent, elles doivent payer un surcoût, dont le montant est défini par le marché du carbone.

Certaines entreprises exerçant dans des secteurs sous tension bénéficiaient jusqu’alors de quotas gratuits. Cela permettait de soutenir leur compétitivité face aux produits importés non soumis aux mêmes critères environnementaux. Avec le MACF, ces quotas gratuits vont progressivement disparaître.

Le MACF va ainsi permettre d’appliquer des surcoûts sur les biens importés, lorsqu’ils entrent sur le marché européen. Ces coûts supplémentaires dépendront des émissions de carbone des entreprises situées dans les pays tiers, et seront calqués sur les cours du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE).

Ce dispositif sera progressivement mis en place jusqu’en 2034. Une phase transitoire d’application est prévue du 1er octobre 2023 jusqu’au 31 décembre 2025, pendant laquelle les importateurs seront tenus de déclarer la quantité de marchandises importées, leurs émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes, ainsi que tout prix du carbone dû pour ces émissions. Aucun paiement financier n’est imposé pendant cette période. Il s’agit d’une phase pilote et d’apprentissage pour toutes les parties prenantes, à savoir les importateurs, les producteurs, mais aussi les autorités.

Le MACF n’entrera donc en vigueur de manière complète qu’à partir du 1er janvier 2026. Il appartiendra alors aux entreprises qui importent dans l’UE des marchandises à forte intensité carbone de payer une taxe sur le CO2 émis au cours de leur fabrication à l’étranger. Cela prendra la forme de certificats à acheter auprès des autorités nationales.

MACF : quel impact pour la fonction achats ?

Le MACF s’apprête à remodeler le paysage de la tarification du carbone. Cela va avoir un impact majeur sur les entreprises européennes qui importent des biens règlementés, et tout particulièrement leurs directions achats.

Collecter les données

Dans un premier temps, l’enjeu majeur de cette mesure est la collecte des données. Celles-ci doivent être transmises par les exportateurs de pays tiers aux importateurs européens. Dès aujourd’hui, les entreprises doivent cartographier leur chaîne de valeur pour identifier les biens concernés. Il faut ensuite que les directions achats collaborent avec leurs fournisseurs pour obtenir des données précises, travailler à l’amélioration des résultats, et garantir la sécurité de cette data sensible. Cela peut inclure de revoir les contrats pour incorporer des clauses en ce sens.

Repenser sa chaîne d’approvisionnement

Le MACF va également influer sur les décisions d’achats au sein des entreprises européennes. Après avoir identifié les fournisseurs impactés, les directions achats doivent évaluer leur conformité et leur capacité à fournir des produits à faible intensité carbone. Cela peut impliquer de s’orienter vers d’autres producteurs lorsque cela est possible. Toutefois, cela ne veut pas nécessairement dire qu’ils cesseront de s’approvisionner auprès de producteurs non européens, mais une réflexion et des discussions devront être engagées pour s’aligner avec leur stratégie d’achats.

Anticiper la hausse des prix

Dès 2026, les prix des biens concernés par cette mesure vont probablement augmenter de façon générale, dès 2026. Les prix des importations vont augmenter dus aux surcoûts du MACF, tout comme les prix des biens produits au sein l’UE en raison de la disparition progressive des quotas gratuits. De plus, les importateurs vont devoir absorber une charge administrative, et donc des coûts associés plus élevés, pour se mettre en conformité. Les directions achats doivent s’y préparer pour préserver la rentabilité de leur entreprise.

L’impact du MACF en quelques chiffres clés

Le think tank « The Conference Board » a mené une étude auprès de dirigeants d’entreprises de différents secteurs pour comprendre leurs ressentis vis-à-vis de l’application du MACF.

Les résultats sont éloquents :

  • 83 % des décideurs s’attendent à une hausse des prix ;
  • 75 % estiment que cela va influer sur leurs décisions d’achats ;
  • 58 % ne sont pas certains que cela va les encourager à acheter européen.

Se former et s’informer

Le paysage de la tarification du carbone, qui est en pleine évolution, joue un rôle clé dans les décisions d’achats. C’est pourquoi les entreprises doivent veiller à former leurs équipes achats, mais aussi leurs fournisseurs, sur ce sujet stratégique. C’est ainsi qu’ils pourront en saisir tous les enjeux, prendre des décisions éclairées et même agir de façon proactive.

Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) représente une étape majeure vers l’objectif de neutralité carbone de l’UE. Pour les entreprises, comprendre et intégrer ce mécanisme dans leurs stratégies d’achat est essentiel pour gérer efficacement les risques, participer à la stratégie de décarbonation et optimiser les coûts. C’est même l’occasion de se positionner comme un leader dans la transition vers une économie moderne, durable et compétitive.

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