Comment la réglementation a-t-elle une influence sur le déploiement de l’économie circulaire en Europe ?

Économie circulaire en Europe déploiement
Mis à jour le 25 avril 2023
Partagez :
{{totalComments}} commentaires

Réparation de produits usagés, commerce de vêtements d’occasion, récupération de la chaleur des eaux usées… l’économie circulaire est un modèle économique qui consiste à produire et distribuer des biens et des services de manière durable. Son objectif est de limiter le gaspillage (matières premières, eau, énergie) et la production des déchets. Basé sur une gestion durable des ressources et sur de nouveaux modes de production et de consommation, le modèle circulaire s’oppose au modèle linéaire du « tout jetable ». Alors que l’économie circulaire gagne du terrain en Europe, il convient de s’interroger sur l’influence de la réglementation dans les décisions stratégiques en entreprise.

La réglementation européenne : des règles du jeu équitables pour tous

Avant toute chose, la réglementation pose les fondations de ce nouveau modèle. Cela permet de partager une vision, un plan d’action et d’ouvrir le dialogue entre les différentes parties prenantes.

Une vision commune

En fixant des règles sur le long terme, équivalentes pour tous, la réglementation est un véritable levier de changement qui émerge. Aujourd’hui, la vue de ce qui est attendu en matière de réglementation au niveau européen est plus claire.

Dans le cadre de l’Accord de Paris, l’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 et a lancé son pacte vert pour l’Europe (Green Deal). La loi européenne pour le climat, entrée en vigueur en mars 2020, a transformé cet engagement en obligation contraignante et a défini un objectif intermédiaire : réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 (par rapport à leur niveau de 1990).

C’est dans ce cadre que la Commission européenne a proposé son premier paquet de mesures visant à accélérer la transition vers l’économie circulaire en Europe. L’idée est de rendre une grande majorité des biens présents sur le marché européen plus circulaires, écologiques et sobres en énergie.

Au programme :

  • Stimulation des produits durables ;
  • Responsabilisation des producteurs ;
  • Harmonisation des systèmes de collecte ;
  • Renforcement de l’utilisation des matériaux recyclés…

Toutes les entreprises devront donc travailler leur feuille de route dans la même direction pour atteindre ces objectifs et réduire leurs émissions carbone (scopes 1, 2 et 3).

L’importance d’une approche collaborative

Dans cette démarche, les échanges sont clés pour définir les plans d’action européens et identifier des exceptions documentées sur certaines catégories de produits. En France, la suppression des emballages plastiques pour les fruits et légumes est un bel exemple. Après être entré en vigueur, ce décret a été annulé suite aux contestations des syndicats. Ces derniers doivent s’accorder avec le Conseil d’État sur une liste des différentes catégories de fruits et de légumes qui sont considérées comme trop fragiles pour s’y conformer dans l’immédiat. Cela fait sens car si l’on interdit soudainement tous les emballages plastiques à usage unique sans avoir de solutions, des filières entières de commercialisation vont disparaître. C’est sans compter le gaspillage alimentaire qui va également augmenter car les produits moins bien protégés peuvent se détériorer, et risquent d’être jetés.

Comme l’explique Stéphan Arino, Directeur des Affaires Publiques Europe de l’Ouest chez Tomra, acteur clé dans la mise en œuvre de réglementations dans sa carrière : « L’essentiel réside dans le dialogue. La discussion avec les parties prenantes pour construire ensemble un engagement, une vraie loi constructive. À chaque fois, cela nous a pris du temps, mais nous avons abouti à des systèmes qui sont aujourd’hui robustes et tiennent dans la durée. »

Il est important de tenir compte de tous les enjeux et de toutes les problématiques. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il ne faut pas être ambitieux, bien au contraire. Mais il s’agit de rester réaliste et de définir un objectif à 10 ou 20 ans qui sera bien atteint, et ce, dans le respect des uns et des autres.

La réglementation : un vrai levier de développement pour l’économie circulaire en Europe

Dans une économie linéaire, on extrait, on produit, on vend. Tout le système de production et de distribution est organisé pour être un modèle rentable. Beaucoup de réflexes des entreprises et des consommateurs sont bâtis autour de ce système et sont donc complexes à déconstruire, malgré la conscience écologique. La conséquence directe est qu’aujourd’hui, beaucoup de modèles d’économie circulaire ne sont pas encore rentables ou sont de l’ordre du test. C’est pourquoi la réglementation joue un rôle clé pour faciliter le développement de ces démarches respectueuses de l’environnement en Europe.

Soutenir les initiatives vertueuses

La réglementation a un vrai rôle à jouer, de même que la puissance publique, à travers des subventions. Ces aides financières boostent les innovations et attirent un plus grand nombre d’acteurs. C’est un moyen de structurer le modèle économique de demain pour qu’il devienne plus productif.

Imposer ce qui fait sens

Il existe également des réglementations contraignantes qui suppriment les absurdités. Face à l’interdiction française de destruction des invendus, de nombreuses marques lancent des appels d’offres pour trouver de nouvelles solutions, puisqu’elles étaient historiquement en contrat de prestation avec des sociétés de destruction. Cela aurait pu continuer advitam eternam sans cette proscription. Désormais, ces acteurs se construisent un réseau de fournisseurs responsables pour se mettre en conformité.

Favoriser les solutions durables

La réglementation peut également introduire une distorsion de concurrence positive pour la solution environnementale. Elle peut obliger un acteur économique, au-delà de la conviction écologique, à se transformer de l’intérieur, s’il ne veut pas perdre un marché. Inspirée de la loi AGEC (Anti-gaspillage pour une économie circulaire), l’Union européenne veut inscrire pleinement la commande publique européenne dans la durabilité. L’idée est de demander aux acheteurs publics et aux collectivités locales d’investir dans des infrastructures durables et de privilégier les achats responsables (produits durables et/ou issus de l’économie circulaire) pour soutenir la transition écologique.

Initier un nouvel état d’esprit

Il y a également l’impact des nomenclatures qui empêchent parfois d’avancer, comme la notion de déchets pour les produits électroniques, par exemple. Historiquement, dès qu’un produit n’était plus utilisé, il était répertorié comme un déchet. Tout le monde s’accordait sur ce fait et les produits étaient amortis comptablement. De plus, c’était un business lucratif pour les recycleurs. Désormais, la directive 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 (modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets) stipule la hiérarchie des modes de traitement des déchets et permet, dans certains cas, une « sortie du statut de déchet ».

Définir un cadre propice au développement

La réglementation doit enfin servir à couvrir des vides juridiques souligne Stéphan Arino : « Quand on est un distributeur et qu’on vend des produits de seconde main, qu’en est-il de la responsabilité de produits défectueux ? Qui vérifie les produits, un manutentionnaire ou le service après-vente ? Puis-je le revendre ? Comment il est possible d’assurer une durée de vie de 10, 15, 20, 25 ans ? » Une réglementation claire ouvre également le champ des possibles et permet d’encadrer les démarches d’économie circulaire en Europe.

Au vu de ces multiples raisons, il semble essentiel de se tenir informé de la réglementation qui existe et qui se prépare en matière d’économie circulaire dans son secteur d’activité, mais aussi de l’infuser largement au sein de chaque entreprise. À 5 ou 10 ans, une entreprise connaît son business plan et peut se projeter en intégrant ces enjeux de circularité dans son développement

Livre blanc
Livre blanc
Achat responsable : quelle politique mener en entreprise ?