Directeurs Achats : enjeux actuels et à venir

Dossier
directeurs achats
27 novembre 2018
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Le rôle des Directeurs Achats, autrement appelés Chief Procurement Officers (CPO) ou encore lead buyers pour certaines entreprises, est en pleine mutation. A l’ère de la révolution digitale, la fonction achats toute entière se transforme. Les Directeurs Achats en première ligne car ils ouvrent la voie : nouvelle organisation, nouvelles compétences, nouvelles stratégies…

Top priorités et stratégies des Directeurs Achats

  • Top priorités

Selon l’enquête annuelle réalisée par ArdentPartners « CPO Rising 2018 : The Age of Intelligence », les priorités actuelles des Directeurs Achats sont majoritairement influencées par la révolution technologique qui s’opère dans les entreprises.

Pour 33 % des répondants, la priorité est d’utiliser l’analytique avancée et pour 31 %, il est question d’identifier les nouvelles et meilleures technologies à exploiter dans le métier. Dans le top 3 se hissent (encore et toujours) les économies qui représentent une priorité pour 31 % d’entre eux.

Suivent ensuite de très près trois autres priorités qui sont l’essence même du métier : les équipes (30 %), les processus (29 %) et les fournisseurs (28 %).

  • Top stratégies

Toujours selon ArdentPartners, les Directeurs Achats se concentrent sur différentes stratégies, répondant directement aux priorités identifiées ci-dessus :

  • 47 % : améliorer leur utilisation des technologies, que ce soit via l’achat de nouvelles ou l’amélioration des actuelles 
  • 41 % : accroître la collaboration avec le business
  • 34 % : renforcer la communication avec les parties prenantes
  • 28 % : implémenter des politiques et processus plus forts
  • 27 % : faire monter en compétence leurs équipes
  • 23 % : améliorer la collaboration avec les fournisseurs

Les nouvelles technologies sont au cœur des préoccupations des Directeurs Achats, suivies ensuite par les fondamentaux actuels du métier : collaboration, communication…

Mais ces stratégies seraient amenées à évoluer d’ici quelques années selon Bill Dempsey, Directeur Achats chez MolsonCoors : « Les tendances qui façonnent le milieu des affaires continuent d'évoluer et de donner à la fonction achats une nouvelle dimension. L'avantage concurrentiel que nous pouvons apporter n'a jamais été aussi évident. Mais cette opportunité nous met également au défi de viser l'excellence. Nous devons asseoir notre réussite dans certains domaines, tels que la gestion des talents, le category management et les relations avec les clients, puis nous donner les moyens d'évoluer vers de nouvelles stratégies, telles que la digitalisation et la gestion avancée des fournisseurs. Selon moi, les trois à cinq prochaines années construiront ce nouvel ordre du jour pour la profession achats. »[1]

Comment optimiser les performances des Directions Achats ?

Les Directions Achats veulent aller plus loin, créer davantage de valeur pour l’entreprise et gagner en efficacité. Les professionnels interrogés par ArdentPartners identifient les leviers pour atteindre ce niveau de performance :

  • 53 % : une meilleure visibilité sur les données, accompagnée de capacités analytiques

Chaque année, il y a plus de données créées que l’année précédente. Avec la révolution technologique, cela nous conduit inexorablement vers un monde centré autour des données. L’enjeu est alors de pouvoir maîtriser et utiliser ces données à bon escient pour son métier.

  • 42 % : être impliqués plus tôt dans les opportunités de sourcing

Les équipes achats sont souvent mobilisées tardivement sur les projets, ce qui les positionne comme des exécutants et non comme ce qu’ils devraient être : de véritables chefs de projets. L’étude d’ArdentPartners souligne que ce levier permet également de réaliser des économies, améliorer la qualité et réduire les risques.

Suivent deux autres leviers, moins majoritaires semble-t-il :

  • 25 % : accroître l’agilité au sein des opérations achats
  • 21 % : un meilleur (ou davantage de) soutien de la part de la Direction

Comparer les différences de perception entre les Directeurs Achats et les Directeurs Généraux, est intéressant. Ayming a demandé aux deux fonctions de mettre en lumière les leviers qui permettraient, selon eux, aux Directions Achats de créer davantage de valeur :

  1. Les outils et systèmes représentent, sans surprise, le levier majeur pour 76 % des Directeurs Généraux et 90 % des Directeurs Achats – les achats auraient ainsi de (trop) grandes attentes vis-à-vis des technologies ?
  2. Impliquer la fonction achats plus tôt dans les projets est le deuxième levier. Les Directeurs Généraux (70 %) et les Directeurs Achats (68 %) semblent être en phase sur ce point.
  3. Les avis divergent pour le 3ème levier. Pour 66 % des Directeurs Achats, il est question d’augmenter le budget. Cependant, les Directeurs Généraux nuancent l’importance accordée à ce levier qu’ils placeraient plutôt en 5ème position (46 %).
  4. Davantage de responsabilisation/mandat représente le 4ème levier pour les deux fonctions à parts égales (50 % chacune).
  5. A nouveau, les deux fonctions ne sont pas d’accord. Pour 26 % des Directeurs Achats, le 5ème levier porte sur une réorganisation (processus, service…) alors que les Directeurs Généraux l’auraient positionné en 3ème position avec 58 %.

Les axes d’amélioration sont donc clairement identifiés par les Directeurs Achats avec à l’unanimité : les technologies en premier plan et l’implication en amont des projets au second plan. Suivent ensuite différentes stratégies qui dépendent de nombreux facteurs comme accroître l’agilité, réorganiser le service, augmenter le budget…

Les freins face aux Directeurs Achats

Pour améliorer leur performance, les Directions Achats se heurtent également à différents obstacles. Selon l’enquête menée par SAP Ariba et l’Université des Sciences Appliquées Würzburg-Schweinfurt, les décideurs achats recensent trois freins majeurs :

  • La gestion des données (l’analytique, l’accès et la disponibilité de données pertinentes ainsi que la qualité des données) est le frein principal pour 23 %
  • Les restrictions de budget (19 %) ralentissent la digitalisation de la fonction
  • Le manque de talent et savoir-faire en interne (17 %) est un obstacle sur le long terme – il est d’ailleurs intéressant de noter que près de ¾ des décideurs achats déclarent que leurs équipes possèdent peu ou pas la capacité à exploiter les technologies actuelles et futures, selon Deloitte.

L’étude de Forrester menée auprès de décideurs confirme la tendance concernant la gestion des données et répertorie deux éléments supplémentaires :

  • Les activités manuelles chronophages (40%) telles que la conversion de demandes des utilisateurs en commandes, le rapprochement des factures et des reçus…
  • Les outils informatiques et notamment l’insuffisante intégration des outils (50 %), l’inadéquation des systèmes ERP (49 %), l’impossibilité d’acheter des solutions spécialistes Saas (45 %)…

Il semble que les freins identifiés par les Directeurs Achats tournent majoritairement autour de la transformation digitale. A la fois vue comme un défi de taille à relever (mauvaise qualité des données, problème de ressources humaines…) mais aussi comme un formidable levier qui pourrait libérer toute la fonction des tâches à faible valeur ajoutée.

Du Chief Procurement Officer… au Chief Value Officer

La révolution technologique est au cœur de la transformation du métier. Cela constitue aujourd’hui l’un des plus grands challenges des Directeurs Achats mais cela leur permettra à terme d’évoluer vers une fonction encore plus stratégique. Leur mission sera (est déjà pour certaines entreprises) non plus de réaliser des économies mais de créer davantage de valeur pour l’entreprise.

Les indicateurs clés de performance évoluent en ce sens d’ailleurs. Lawrence Kane, senior leader of strategy chez Boeing, témoigne dans un article : « Les indicateurs traditionnels des achats, tels que la gestion des dépenses ou encore les économies de coûts, sont complétés et parfois remplacés par d'autres indicateurs tels que l'innovation fournisseur, les partenariats pour la réussite et la création de valeur. »

Certains professionnels se questionnent alors sur l’intitulé de poste : un directeur achats qui n’est plus uniquement focalisé sur les économies mais sur la création de valeur… ne devrait-on pas alors l’appeler « Chief Value Officer » ? Tout comme on a vu le Coût Total d’Acquisition évolué en Valeur Totale d’Acquisition.

Les Directeurs Achats y voient par ailleurs l’occasion de casser la traditionnelle image de « cost killer » ou de rôle purement tactique et non stratégique.

Michael Shaw, fondateur du Global Council for the Advancement of Women in Procurement a le mot de la fin : « En fin de compte, l'important est d'être considéré par la direction comme faisant partie d'une fonction stratégique, au même titre que celle de directeur des systèmes d'information et de directeur financier. Je ne pense pas que cela va se produire du jour au lendemain, ni à tous les niveaux. Ceux qui parviendront à convaincre les autres seront les premiers à impulser ces changements. »


[1] The Deloitte Global Chief Procurement Officer Survey 2018