Achat B2B : faut-il brûler le catalogue papier ?

Achat B2B : faut-il brûler le catalogue papier ?
12 avril 2016
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À l’heure de l’économie digitale et des achats électroniques, existe-t-il encore un quelconque intérêt à éditer un catalogue papier ? La question est légitime surtout si comme Manutan, vous envoyez à des milliers de clients un « big book » de 2650 pages pesant 3 kg soit 5 fois plus qu’une tablette ! Chez nos confrères du B2C, la question semble tranchée. Les catalogues généralistes ont soit disparu, soit se sont transformés en support « promotionnel » pour diriger le client vers le site marchand. Dans l’univers B2B en revanche, le sujet divise les acheteurs : certains nous demandent de ne plus envoyer le catalogue quand d’autres souhaitent voir la pagination augmentée (après tout notre catalogue reste modeste par rapport aux 5000 pages de certaines sociétés américaines !). 

Pour ma part, bien que fervent promoteur du numérique, je pense que le catalogue papier n’est pas prêt de disparaître. Il restera pour de nombreuses années encore un outil indispensable dans le processus d’achat même si son rôle va profondément se modifier. Je ne traiterai pas ici de l’aspect environnemental souvent mis en avant par les promoteurs de la suppression du catalogue. Cela fait longtemps que tous les distributeurs ont adopté des modes de fabrication, d’impression et de livraison respectueux de l’environnement : papier recyclé, issu de forêts gérées durablement, encres non nocives.

« Si le catalogue me semble devoir persister c’est avant tout pour des raisons liées aux modes d’achat et pour des considérations économiques »

Le processus d’achat B2B est plus complexe que celui du B2C. Il fait intervenir de multiples acteurs : un utilisateur émetteur d’un besoin, un approvisionneur qui choisit un fournisseur dans le cadre fixé par un Directeur des Achats. S’ajoutent bien sûr également la comptabilité pour les traitements des factures ou encore la logistique pour la réception des produits. Si la grande majorité des approvisionneurs utilisent des outils électroniques pour passer des commandes, il n’en est pas toujours de même quand les utilisateurs choisissent un produit. Ces derniers n’ont pas forcément accès à un ordinateur pour des raisons liées à l’environnement de travail (extérieur…) ou à la politique interne de l’entreprise.

« Les supports mobiles (tablette, téléphone) font évoluer cette situation mais cela prendra encore plusieurs années »

De plus, dans ce processus de choix d’un produit, le catalogue joue indéniablement un rôle « social ». Quand il s’agit de choisir du mobilier de bureau par exemple, il n’est pas rare de voir des collègues se regrouper autour d’un catalogue et discuter ensemble. Le choix devient un moment de partage et d’échange et même si la transaction peut se réaliser en ligne, il y a indéniablement une « dimension plaisir » dans cette utilisation du papier. Il y a là peut-être un effet générationnel mais quand je vois des enfants passer des heures autour d’un catalogue de jouets, je me dis que peut-être ce phénomène perdurera.

Il faut également reconnaître que pour de nombreuses familles de produits, la qualité du contenu des sites marchands n’est pas encore à la hauteur de celle d’un catalogue papier. S’il est simple de choisir un gant ou un bac plastique sur un support électronique, il n’en est pas de même pour un rayonnage lourd ou des abris extérieurs. D’autant plus qu’en B2B, il existe peu de phénomènes de show rooming (choix d’un produit en magasin et commande en ligne) dont profitent amplement les pure players. De nombreux produits ne peuvent être vus dans une surface de vente.

« Il n’y a pas de doute que le merchandising digital va s’améliorer drastiquement (réalité augmentée…) mais cela prendra encore du temps. »

De multiples stratégies de rationalisation des achats ont échoué car les utilisateurs ont été « forcés » de choisir leur produit sur des supports électroniques au contenu de piètre qualité ou non adapté à la typologie des produits. Il faut se rendre à l’évidence, le catalogue papier reste souvent indispensable en support de la transaction digitale.

« Je souhaite aborder maintenant les raisons économiques de la persistance du catalogue »

L’arrivée de Google a indéniablement permis d’accéder à un nombre gigantesque de prospects. Aux premières années de ce moteur, le coût d’acquisition d’un client par le web était 8 fois inférieur à celui d’un support papier. Mais le coût des mots achetés sur Google ne cessant d’augmenter, et ceux du papier, de l’impression et du routage étant plutôt stables, l’écart s’est sensiblement réduit et cela va continuer.

Ajoutons à cela que la qualité d’un client acquis par un support papier est « meilleure » que celle d’un client recruté par le web. La « life time value » du client est meilleure car il a tendance à être plus fidèle par la suite. Je pense que cela est dû au fait que l’achat déclenché par un support papier reste plus impliquant que celui généré par Google.

Enfin, un catalogue a le mérite de positionner la marque et d’indiquer en un coût d’œil la largeur de l’offre du fournisseur et son véritable savoir-faire. A l’heure où n’importe quelle place de marché revendique des millions de références en proposant 10 fois le même exemplaire d’un produit, peu d’acteurs passent réellement du temps à construire une offre cohérente pour un client. Ceux qui le font ont tout intérêt à l’exprimer via un support papier car c’est un vrai service à valeur ajoutée.

En conclusion, loin de s’opposer, catalogue papier et outils électroniques sont en réalité complémentaires. Le succès d’une stratégie d’achat B2B au 21ème siècle repose sur l’alliance de puissants outils digitaux et d’une stratégie relationnelle adaptée. Le catalogue s’inscrit pleinement dans cette dimension relationnelle en offrant aux utilisateurs une meilleure expérience d’achat qu’un processus entièrement digital. Il nous semble judicieux que les acheteurs intègrent ce paramètre dans leur stratégie de rationalisation.