Places de marché B2B : où est le problème ?

Tableau où il est écrit : B2B
11 mai 2016
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Au début des années 2000, à la naissance de l’Internet marchand, les experts prévoyaient que les distributeurs B2B traditionnels allaient être balayés par les places de marché électroniques. Le modèle paraissait séduisant pour les acheteurs avec une large offre produits, la possibilité de mettre directement en concurrence les distributeurs ou encore de bénéficier d’un accès direct aux fabricants. Des gains massifs s’annonçaient et l’avenir promettait d’être radieux pour toutes les start-up qui se lançaient dans cette activité.

Les achats indirects B2B, un terrain peu investi

Pourtant plus de 15 ans après, force est de constater que si ce modèle s’est imposé dans l’univers B2C ou dans celui des achats stratégiques, il reste relativement marginal dans les achats indirects B2B. Il suffit de regarder le marché américain qui est de loin le plus mature dans le domaine des achats électroniques. En 2000, les premiers distributeurs de MRO s’appelaient Grainger, Fastenal et MSC… En 2016, ils s’appellent toujours Grainger, Fastenal et MSC ! Aucune place de marché ne s’est imposée et n’a bouleversé le paysage concurrentiel. Il en est de même sur le marché européen.

Comment expliquer cette particularité du secteur des achats indirects ?

Tout d’abord, il faut bien distinguer les places de marché à vocation « technique » de celles à vocation « commerciale ». Les premières, comme Ariba par exemple, offrent aux entreprises des solutions technologiques performantes pour gérer leurs achats. Elles n’interviennent pas réellement dans la relation entre le fournisseur et le client. Elles se focalisent sur le développement de fonctionnalités dédiées aux besoins des acheteurs, des utilisateurs et des approvisionneurs. Ce modèle est devenu une référence au fil des ans car il offre une réelle valeur ajoutée : il évite aux entreprises de devoir utiliser autant de logiciels d’achats que de fournisseurs ! Le marché a d’ailleurs été consolidé par les grands éditeurs d’ERP (SAP, Oracle…), faisant de ces outils des extensions naturelles des logiciels de gestion.

La relation client avant tout

Les places de marché à vocation « commerciale » ont en revanche la volonté de fournir une plate-forme d’achat mais également de gérer la relation avec le client. Elles souhaitent prendre la place du distributeur, en le reléguant à un prestataire de contenu et de services logistiques. Certaines d’entre-elles laissent apparaître le nom des entreprises qui réalisent la prestation, d’autres leur demandent d’opérer en marque blanche.

Un modèle idéal ?

Sur le papier, le modèle est séduisant pour le client : ces sociétés jouent le rôle de « super agrégateur ». Elles permettent de réduire drastiquement le panel des fournisseurs, de les mettre en permanence en concurrence, de pouvoir lancer des Appels d’Offres ou des enchères inversées à tout moment et de réduire le nombre de personnes en charge de la gestion des achats indirects en interne. Dans les faits… le résultat est décevant… pour des raisons qui me semblent liées à la particularité des achats indirects.

Le contenu, un enjeu capital

Première cause, l’importance du contenu dans ce type d’achat. Contrairement aux achats en ligne B2C, les achats B2B bénéficient peu de « l’effet show rooming » (choix d’un produit en magasin et achat en ligne). 41% des acheteurs en ligne déclarent avoir déjà choisi leur produit en magasin pour l’acheter ensuite sur le web ((Source : livre blanc Mappy sur les enjeux du Web to Store).

En B2B en revanche, le contenu associé à un produit vendu à distance doit être de très grande qualité. En effet, en général, il est difficile de voir les produits « physiquement » et il y a peu de marques puissantes capables de mettre à disposition un descriptif commercial qualitatif.

Or en agrégeant en un seul endroit de multiples fournisseurs au contenu disparate, les places de marché électroniques sont souvent obligées de proposer des informations que je qualifierais de « niveler par le plus petit commun dénominateur ». Cela est d’autant plus vraie qu’à la différence des industriels des produits de consommation qui ont souvent défini des normes communes de description du contenu, cela est loin d’être le cas pour les produits utilisés en entreprise que ce soit des produits d’emballage, du rayonnage ou encore dans l’outillage.

Dès lors, beaucoup d’utilisateurs ont du mal à obtenir les informations nécessaires pour bien choisir le produit qui répondra à leur besoin. C’est pourquoi, ils ont tendance à ne pas utiliser le système.

Le coût d’achat, une valeur relative

Deuxième raison, l’importance toute relative du prix dans les achats indirects. Plus de 2/3 des acheteurs en ligne déclarent que la première motivation de l’usage de ce canal est le prix (Source : livre blanc Mappy sur les enjeux du Web to Store). Or si pour un consommateur il est intéressant de « perdre » une heure pour économiser 50 euros sur un produit, il ne faut jamais oublier que l’achat B2B s’inscrit dans une contrainte de temps et de productivité.

Une heure d’un approvisionneur coûte en moyenne 23 Euros. Aussi, il est souvent bien plus rentable pour les achats indirects de disposer d’accords-cadres, de prix négociés en amont avec quelques fournisseurs de référence, proposant un contenu qualitatif et personnalisé, plutôt que d’avoir accès à des millions de références dont 50 fois la même pour économiser quelques Euros !

Les particularités des achats indirects

Enfin, la spécificité du processus des achats indirects explique la difficulté des places de marché électroniques à s’imposer durablement. Si ces dernières permettent aux entreprises de réaliser des économies en digitalisant leurs achats indirects, elles ne leur font faire en réalité qu’une partie du chemin.

Les Directions des Achats ont en effet besoin de distributeurs capables de les aider à déployer les accords négociés centralement. Souvent peu directifs, ces accords ont besoin d’être présentés et promus dans chaque site, dans chaque filiale car ils viennent perturber des relations et des accords existants avec des fournisseurs locaux. Seule une large force de vente expérimentée et experte peut réaliser ce travail, ce dont ne disposent généralement pas les places de marché.

Les distributeurs comme Manutan apportent une solution

En synthèse, je pense que le relatif échec de ces places de marché est lié à la faible valeur ajoutée qu’elles apportent par rapport aux spécificités des achats indirects. Elles sont peu compétitives par rapport aux fournisseurs (comme Manutan !!!) capables de mettre à disposition une offre large associée à des outils digitaux et une stratégie de déploiement adaptée. Une question se pose bien sûr : l’arrivée de Amazon B2B qui fonctionne sur un modèle de marketplace changera-t-il la donne ?… réponse dans un prochain post 

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