Comment remédier à la grande démission des salariés dans les entreprises ?

Grande démission salariés
3 mai 2022
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Avec la crise sanitaire, des millions de salariés ont remis en question leur rapport au travail et démissionné de leur emploi. Ce phénomène multifactoriel qui fait l’actualité et qu’on appelle « la grande démission[1] » a pris racine aux États-Unis et pourrait s’exporter jusqu’en Europe. Alors que le marché de l’emploi se complexifie, il apparaît plus que jamais essentiel pour les entreprises de retenir et fidéliser leurs talents.

Qu’est-ce que la grande démission ?

Anthony Klotz, professeur associé de management à la Mays Business School (Université A&M du Texas), a inventé ce terme de « grande démission » pour désigner le mouvement massif de démissions qu’il a observé chez les américains pendant la crise sanitaire.

Interrogé sur les origines de ce phénomène, il identifie quatre grandes tendances :

  • Certains salariés qui souhaitaient démissionner de leur emploi pendant la pandémie ont dû retarder leur projet au vu des circonstances, ce qui concentre le nombre de démissions à l’heure où la conjoncture s’améliore avec le développement de la vaccination et la reprise de l’activité économique ;
  • D’autres salariés, épuisés par cette période de crise, quittent leur emploi pour cause de burnout, notamment les travailleurs « en première ligne » et les cadres supérieurs ;
  • Aussi, certains salariés voient dans cette crise mondiale une opportunité de changer de vie professionnelle et décident de se reconvertir ou de monter leur propre business par exemple ;
  • Et enfin, il y a ceux qui ne souhaitent tout simplement pas revenir au bureau, après des mois de télétravail.

Pour ce dernier, cette tendance ne devrait pas décélérer : « Il ne s’agit pas simplement de chercher un autre emploi ou de quitter son entreprise, mais bien de prendre en main son travail et sa vie personnelle en prenant une grande décision : démissionner. Nous vivons un moment d’empowerment des travailleurs qui va se poursuivre en 2022 ».

Les chiffres américains, une tendance globale ?

Aux Etats-Unis, les chiffres sont frappants : plus de 38 millions d’américains ont quitté leur emploi en 2021. Parmi eux, 40 % n’avaient pas trouvé un autre emploi avant d’acter cette décision[2]. Il est clair que la pandémie a profondément modifié le rapport au travail à travers le monde. Cependant, cette remise en question pourrait se traduire différemment selon chaque pays, sa culture et son marché de l’emploi.

Jerónimo Maillo, Professeur de droit européen à l'université CEU San Pablo à Madrid, explique : « Aux États-Unis, par exemple, il est beaucoup plus facile de prendre la décision de démissionner car il est relativement facile de trouver un autre emploi.[3] » Selon Elvira González, experte en politiques du marché du travail et de l'emploi au Centre européen d'expertise, il en va différemment dans l’Union Européenne où « les institutions du marché du travail, notamment la négociation collective entre syndicats et employeurs, ainsi que des outils tels que les manifestations et les grèves permettent de soulever ce sentiment. » Cependant, certains chiffres soulignent tout de même une tendance à la grande démission, quoi que plus légère, jusque dans les pays européens.

Aussi, il est intéressant de noter que certains secteurs et métiers ont été particulièrement touchés par ce phénomène à cause de la pression vécue pendant la pandémie et des conditions de travail : santé, hôtellerie-restauration, services à la personne… Cette tendance pourrait également toucher la fonction achats qui a été particulièrement challengée pendant cette période de crise, entre pénurie de produits et tensions sur la chaîne d’approvisionnement. À ce titre, 50 % des salariés de moins de 40 ans travaillant dans les achats et la chaîne d'approvisionnement déclaraient avoir l'intention de conserver leur emploi actuel, d’après une étude menée par Gartner[4].

À travers cette grande démission qui bouleverse le monde entier, les salariés sont surtout en quête de sens et d’un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Aujourd’hui, ils souhaitent expérimenter de nouveaux modes de travail et de management au sein des entreprises, ce qui va révolutionner le monde du travail.

Quels leviers pour endiguer la grande démission ?

Au vu de ce constat, l’enjeu pour les entreprises aujourd’hui est de retenir et fidéliser leurs salariés. Alors que de profonds changements s’opèrent dans l’univers du travail, il leur faut désormais s’adapter, se transformer. Selon une enquête de Central Test, le maintien de la motivation et de l’engagement des salariés est d’ailleurs vu comme l’un des principaux défis pour les années à venir par une entreprise sur deux[5].

Pour ce faire, la mise en œuvre d’une véritable politique de qualité de vie au travail (QVT), composante essentielle de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, est primordiale. Plusieurs actions favorisant le bien-être et la santé mentale au travail sont largement plébiscitées par les entreprises telles que la mise en place régulière d’enquêtes de satisfaction, la formation des managers à la détection et à la prévention des risques psychosociaux ou encore le développement d’une culture managériale conviviale avec l’organisation de team buildings, à l’heure où les salariés ont besoin de se reconnecter les uns aux autres.

Un autre enjeu quant à la fidélisation des salariés reste la flexibilité dans les pratiques de travail. Cela figure d’ailleurs parmi les principales compétences que devra maîtriser le responsable achats dans les prochaines années. On parle alors d’horaires souples, de télétravail et d’aménagement des bureaux. Ces changements profonds impliquent de nouveaux défis pour les entreprises où règnent le tout distanciel, notamment en matière de gestion de crise et des équipes.

Enfin, le développement des talents est également un levier clé. Que cela soit à travers le développement de carrière, la formation ou encore le coaching, les entreprises doivent accompagner leurs salariés et investir dans leur développement. Pour la fonction achats, cela se traduira notamment à travers l’acquisition de nouvelles compétences telles que le sourcing de l’innovation et la mise en œuvre d’une politique d’achats responsables par exemple.

Il est important de souligner que le développement des collaborateurs, et tout particulièrement de la fonction achats, constitue une composante essentielle de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, à travers la valorisation du capital humain et le déploiement d’une démarche d’achats responsables.

Accéléré par la pandémie, ce phénomène de société que l’on surnomme « la grande démission » bouleverse les entreprises. Aujourd’hui, ces dernières ne doivent pas attendre que la tendance se généralise outre-Atlantique pour travailler à l’épanouissement de leurs salariés, au service de leur propre compétitivité.


[1] “The Great Resignation” en anglais

[5] Central Test, Les tendances 2021 en évaluation et développement des talents, 2021