Au sein de l’entreprise, il est reconnu qu’une organisation en silo où chaque fonction ignore les pratiques et les références de l’autre est un frein au développement collectif. Au contraire, un fonctionnement plus étroit entre les services, par exemple entre la fonction achats et la fonction finances, améliore la performance globale de l’entreprise.
Deux questions se posent alors, concernant la collaboration entre ces deux fonctions :
- À quelles conditions une pratique plus partagée est-elle possible ?
- Sur quels axes la fonction achats doit-elle travailler pour rendre possible un rapprochement effectif et durable avec la fonction finances ?
La bonne nouvelle est que le chemin à parcourir par la fonction achats n’est au fond pas si important. En effet, pour prendre toute sa part dans l’amélioration de la collaboration avec la fonction finances, la fonction achats doit mettre en œuvre 3 conditions :
- Développer son expertise financière
- Rendre ses pratiques métier plus interopérables avec celles de la fonction finances
- Partager des indicateurs de performance avec la fonction finances
La fonction achats doit gagner en expertise financière
La première condition pour que la fonction achats puisse collaborer efficacement avec la fonction finances est qu’elle développe sa culture financière. En effet, l’acquisition d’une expertise plus approfondie en finance aura trois conséquences positives :
- Favoriser la communication et la compréhension avec la Direction financière
- Permettre à la fonction achats de peser davantage dans la prise de décision stratégique de l’entreprise, ajoutant l’expertise financière à la capacité d’apporter des solutions innovantes
- Optimiser son fonctionnement propre grâce à une capacité d’analyse plus fine en matière économique
Par ailleurs, la transformation digitale de la fonction achats est une réalité dans bon nombre d’entreprises. Or, pour les entreprises concernées par la digitalisation, la montée en compétence de la fonction achats dans le domaine financier est une nécessité pour profiter à plein des opportunités fournies par cette transformation. En effet, le recueil et le traitement de très nombreuses données figurent parmi les bénéfices du e-procurement. L’expertise économique est indispensable pour analyser les résultats avec le maximum de pertinence.
Enfin, la montée en expertise financière de la fonction achats la rend plus légitime pour contribuer plus fortement à l’élaboration budgétaire de l’entreprise. Cette reconnaissance facilitera donc la collaboration entre la fonction achats et la fonction finances dans le domaine budgétaire. L’entreprise y gagnera en précision et en justesse prévisionnelle. Le pilotage de l’entreprise n’en sera que plus fin et au final plus aisé.
La relation fonction achats / fonction finances doit être fluidifiée
Pour dire les choses simplement, la fonction achats et la fonction finances ont en commun de se préoccuper des coûts, avec des questions comme :
- Comment anticiper les coûts ?
- Comment maîtriser les coûts ?
- Comment faire baisser les coûts ?
Fonction achats et fonction finances agissent sur la chaîne de valeur du pilotage des coûts de l’entreprise. Mais agissent-elles réellement toujours ensemble ? Cette action véritablement commune est tout l’enjeu de la collaboration entre les deux fonctions.
C’est pourquoi le deuxième défi à relever pour la fonction achats dans la perspective de fonctionner plus étroitement avec la fonction finances est la fluidité de leur relation. Les coûts cachés, en particulier, sont très difficiles à quantifier et de ce fait à maîtriser si on ne se donne pas les moyens de les tracer de bout en bout.
Une solution digitale de source-to-pay est une première bonne réponse à l’enjeu de la maîtrise des coûts, en particulier cachés. Mais pour aboutir à une véritable fluidité dans la relation avec la fonction finances, c’est-à-dire à une maîtrise globale de la chaîne de valeur, il convient de ne se pas se limiter au périmètre des achats. La vraie bonne réponse pour éviter les silos est de définir et de mettre en œuvre un système d’information partagé, continu, entre les deux fonctions.
Fonction achats et fonction finances doivent partager des indicateurs communs
Les portraits croisés de la fonction achats et de la fonction finance esquissés à travers cet article peuvent aussi servir à dissiper des clichés à la vie dure. Le rôle des achats n’est pas uniquement d’acheter moins cher ! La fonction achats recèle un potentiel de contribution à la performance globale de l’entreprise qu’il serait absurde de ne pas employer.
En particulier, la fonction achats a développé, avec le temps et des outils, une capacité à piloter son écosystème de fournisseurs avec une finesse sans commune mesure avec la vision passéiste. Aujourd’hui, la fonction achats dispose donc d’une connaissance extrêmement fine de ses partenaires.
Cette connaissance et cette capacité de pilotage sont alimentées par de nombreux indicateurs, comme par exemple :
- La conformité des livraisons
- L’éthique de la gouvernance
- L’innovation produits et services
- Le suivi de la qualité de service
- La fiabilité des engagements
Si ces indicateurs sont au cœur de la performance de la fonction achats, ils nourrissent également son potentiel de contribution à la prise de décision stratégique de l’entreprise, notamment en apportant un éclairage par rapport à la maîtrise des risques. De son côté, la fonction finances contribue à la solidité stratégique de l’entreprise grâce à sa capacité de simulation intégrant les recettes et son savoir-faire en prévision budgétaire.
Il n’est pas douteux que mutualiser une partie des indicateurs qu’elles exploitent aujourd’hui séparément est une voie à explorer pour renforcer la collaboration entre les deux fonctions au profit de l’excellence stratégique de l’entreprise.
En conclusion, l’instauration d’une communauté de pratiques entre la fonction achats et la fonction finances repose en grande partie sur la transformation digitale de la fonction achats. Ou plus exactement sur l’intégration d’un volet coopération avec la fonction finances au sein de la réflexion globale sur la digitalisation de la fonction achats.
D’une certaine manière, cet article vient donner une dimension très concrète à la réflexion publiée le 5 novembre dernier sur le thème : Transformation digitale de la fonction achats : le digital « in the business » ou « as a business » ?. Relisez-le pour percevoir la différence entre une transformation digitale de la fonction achats qui n’aurait comme perspective que d’optimiser le processus de la fonction et une stratégie de digitalisation de la fonction achats dont l’objectif proclamé serait d’emblée de mieux insérer la fonction achats dans la performance globale de l’entreprise. Clairement, une collaboration créatrice de valeur entre les deux fonctions s’inscrit dans la deuxième option !